Satisfait, il regarda encore une fois par la fenêtre. Cette nuit était faite pour lui. Les orages annoncés n’avaient pas éclaté et la pleine lune faisait apparaître la forêt devant lui dans un gris fantomatique. Une douce nuit d’été.
Il allait la célébrer, cette nuit, cette matinée. Il resta un petit moment debout avant d’enfiler son t-shirt et son pantalon et d’attraper son sac à dos, qu’il avait déjà préparé le soir même. En se dirigeant vers la porte, il vit sa silhouette décharnée dans le miroir. Il s’était longtemps trouvé trop petit, pas assez homme, mais elle l’avait pris tel qu’il était, avait apprécié sa tendresse, savouré sa délicatesse, tant de fois.
Elle lui avait tant donné. Pourquoi avait-elle dû le quitter ?
Il avait rapidement atteint la forêt, guidé uniquement par la lumière de la lune. Il n’avait pas besoin de lumière, il connaissait trop bien le chemin. Il l’avait souvent parcouru, parfois seul, souvent avec elle, le jour, le soir, la nuit aussi, même dans ses rêves.
Personne ne le dérangerait cette nuit-là, à trois heures, personne ne passait par ici, et les quelques promeneurs du petit matin resteraient sur les chemins, ne chercheraient pas sa clairière.
Sa clairière. Un petit rond recouvert d’herbe et de feuilles, bordé de grands hêtres. Il déposa son sac à dos au milieu, son endroit préféré.
Les bras écartés, il tournait lentement en rond. Les arbres semblaient encore plus hauts dans la lumière blafarde de la lune, encore plus puissants, plus forts comme tant de gens autour de lui, mais dans ce cercle, en compagnie de ces longues silhouettes, il se sentait bien. Il saluerait chaque personne de la ronde. Lentement, il commença à se débarrasser de son t-shirt.
Il voulait aller vers chacun des arbres, nu, il voulait les toucher, ce n’est qu’ainsi qu’il pouvait vraiment sentir leur force. La fraîcheur de la nuit lui picotait la peau, l’herbe humide mouillait ses pieds lorsqu’il retirait ses chaussures et ses bas. Il avait imaginé exactement comment il ferait le tour, même si l’ordre dans lequel il procéderait n’avait pas d’importance, seul l’arbre particulier, celui qu’il voulait visiter en dernier, celui avec les deux troncs entre lesquels elle s’était appuyée, ce petit matin d’été où il l’avait embrassée pour la première fois, son amour, plus âgé que lui, douze ans de plus, des années qui lui semblaient alors une éternité, et pourtant elle ne faisait qu’un avec lui. Il tourna encore une fois en rond, puis enleva son pantalon et son caleçon d’un seul coup.
Il se tenait maintenant là, comme il l’avait imaginé, nu au clair de lune, la nuit dans la clairière, sa clairière, les bras largement étendus, respirant l’air frais de la nuit, sentant la brise sur sa peau.
Déjà le ciel brillait un peu plus à l’est, le moment serait bientôt venu. Lentement, il se laissa tomber dans l’herbe humide, s’allongea sur le dos, les yeux fermés. C’est ainsi qu’il s’était couché, à cet endroit précis, lorsqu’il avait senti sa peau nue pour la première fois. Il avait dix-huit ans, elle lui avait dit de s’allonger, de se déshabiller et de s’allonger dans l’herbe, de fermer les yeux.
C’était juste avant le lever du soleil, comme aujourd’hui, et il ne devait rouvrir les yeux que lorsqu’elle le lui dirait. Il lui faisait confiance, mais le temps lui semblait interminable, il avait essayé de l’entendre et n’avait pourtant entendu que le bruissement des feuilles, le murmure du sang dans ses oreilles, son cœur qui battait vite, palpitant d’excitation, d’excitation, partout dans son corps, ce n’était pas la fraîcheur qui l’avait fait trembler. Puis enfin, alors que les premiers rayons du soleil réchauffaient déjà sa peau, alors qu’il était déjà tenté de croire qu’elle était partie, qu’il avait lutté contre lui-même pour s’opposer à sa demande et ouvrir les yeux, et qu’il ne l’avait pas fait parce qu’il avait confiance en elle, alors enfin, enfin il avait entendu sa voix, douce, légèrement tremblante aussi, alors elle lui avait dit, ouvre les yeux et regarde-moi. Et il avait ouvert les yeux, en clignant des yeux, il avait mis des secondes avant de pouvoir voir, de pouvoir la voir, nue, debout là, directement dans le soleil.
Au début, on n’avait distingué que la silhouette de son corps, frêle comme lui, mais plus ses yeux s’étaient habitués à la lumière, plus il avait pu la voir, ses cheveux blonds ondulés, son visage rond avec son nez retroussé, la peau délicate de son cou, ses petits seins, son ventre tendu au-dessus de ce petit triangle dont il avait si souvent rêvé. Son membre de plus en plus raide n’avait pas pu passer inaperçu, mais il n’avait pas été gêné de se trouver ainsi devant elle, exposé à ses regards aimants. Il avait su qu’elle voulait tout lui donner, l’introduire dans ce nouveau monde de l’amour.
Aujourd’hui, il était à nouveau allongé ainsi, seul, et pourtant il avait l’impression qu’elle se tenait là où le soleil allait bientôt se lever. Il sentait à nouveau l’excitation monter, contrairement à ce qu’il avait prévu, ses mains se sont rendues indépendantes, ont touché ses hanches, ont attiré le sang dans son pénis, et son membre dressé lui a dit de continuer ton jeu, mais il s’est forcé à lâcher prise, il voulait encore faire son tour.
Il s’est tourné sur le ventre, a senti la fraîcheur prendre possession de son corps, l’herbe sur son visage, son érection cachée dans les feuilles. Il resta ainsi quelques secondes avant de se redresser et de se diriger vers le bord de la clairière. De nombreuses fois, après cette première nuit, ils étaient allés ici, s’attendrissant à toute heure du jour et de la nuit dans cette clairière, parfois si audacieusement qu’il avait encore du mal à le croire aujourd’hui. Il s’appuya contre le premier arbre, et le dimanche de Pâques lui revint à l’esprit, lorsqu’ils avaient pique-niqué ici, les bruits des promeneurs s’étaient fait entendre de partout.
Elle avait imaginé un jeu, elle avait joué à cache-cache avec lui, toujours autour des arbres, elle dans sa robe d’été colorée, lui dans son costume léger. Et puis elle avait jeté son slip dans la clairière en criant que le premier qui le toucherait aurait droit à un vœu. Lorsqu’il avait voulu s’élancer, elle l’avait rappelé et avait encore posé comme condition que celui qui serait coupé avant aurait aussi perdu. Et leur jeu de cache-cache s’était poursuivi, tous deux soucieux de rester le plus près possible du gage d’amour, le souhait libre toujours en vue.
Bientôt, il avait été sûr de lui et s’était précipité vers lui lorsqu’elle était sortie de derrière un arbre et l’avait retenu, ils avaient roulé ensemble dans l’herbe, en riant, en s’enlaçant. Après une courte pause, elle s’était approchée de son épaule et avait réclamé son libre arbitre, exprimé son souhait qu’il la caresse ici et maintenant, qu’il la prenne entièrement avec sa main alors qu’elle était déjà nue sous sa robe. Il croyait encore pouvoir sentir la peau humide de ses jambes lorsque sa main s’était glissée sous sa robe, humide de la sueur de la course, humide de désir son pubis, lorsque sa main s’était enhardie. Elle était restée dans ses bras, et ses gémissements avaient couvert le bruit des enfants sur les chemins tout autour, quand il l’avait pénétrée avec son doigt, sa main sur son pantalon, sur son membre en érection, passant doucement dessus, appuyant à nouveau fermement à travers le tissu fin, le plaisir lui avait fait oublier toutes les sorties de Pâques, quand il avait senti l’humidité de son orgasme, quand il s’était déversé dans son pantalon.
Il était toujours appuyé contre le premier arbre, les yeux fermés, et sentait l’excitation monter en lui.
Il ne s’autorisait pas encore à prolonger le souvenir par ses propres caresses. Il voulait célébrer cette nuit, en souvenir d’elle, son seul véritable amour. Il se regarda, vit son membre briller à la lumière de la lune, dressé dans l’air du matin, attendant la délivrance en tremblant. Lentement, il se détacha de l’arbre, se dirigea vers le plus proche des compagnons rigides, non, il marcha, comme dans une pieuse promenade.
Il fit le tour de chacun des arbres en s’arrêtant brièvement, pensant aux nombreuses occasions où ils avaient profité de la solitude de cette clairière. Son excitation ne faiblissait plus, les moments d’intimité qu’ils avaient échangés ici lui revenaient trop en mémoire. Une image de cette première nuit lui revint à l’esprit : après une longue pause, ils avaient profité du soleil matinal, allongés dans l’herbe, lorsqu’elle s’était penchée et avait embrassé son membre affaibli, l’avait recouvert de ses lèvres, l’avait enfoui dans sa bouche, et il s’étonnait encore aujourd’hui de la rapidité avec laquelle l’érection était revenue, pour la troisième fois ce matin-là, tant elle était habile de ses lèvres, si aimante dans ses caresses, et lui, qui ne connaissait pas encore le sexe oral, avait savouré chaque seconde, allongé tranquillement, il s’était fait sucer, aujourd’hui il savait que ce genre d’amour s’appelait ainsi, mais à l’époque il avait seulement été surpris par toutes les choses qu’elle lui avait montrées, toutes les manières qu’elle connaissait de se procurer mutuellement du plaisir, et c’est en tressaillant qu’il avait joui dans sa bouche, rempli d’amour pour elle, savourant la proximité, lorsqu’elle s’était peu après assoupie dans ses bras. Elle lui manquait.
Elle lui manquait tellement, son rire clair, les petites fossettes sur ses joues, ses cheveux qui brillaient au soleil. Elle lui manquait, ses idées toujours nouvelles, les jeux qu’elle inventait sans cesse. Quelques larmes coulèrent sur son visage. Il avait eu d’autres femmes après elle, elle s’en serait réjouie, il n’était resté que peu de temps avec certaines d’entre elles, il en avait aimé peu, mais aucune n’avait été aussi proche de lui que son premier amour.
Il continua à faire le tour de ses souvenirs, tournant autour de certains arbres comme dans leurs jeux, en touchant brièvement d’autres, comme certaines des images dans sa tête.
Il se força à marcher d’un pas tranquille, il voulait savourer cette visite dans sa clairière, dont il savait qu’elle serait la dernière. Et lentement, il s’approcha de l’arbre. Il posa ses mains dans le petit creux formé par les deux troncs, comme s’il était fait pour s’y asseoir, dans un siège haut, tenu des deux côtés. C’est là qu’elle l’avait embrassé pour la première fois, et c’est là qu’elle l’avait conduit, peu après être sortie du soleil pour venir vers lui, avoir réchauffé son corps avec ses mains, avoir passé ses doigts sur son corps, puis s’être assise sur lui.
Il avait joui bien trop vite la première fois, mais elle l’avait pressenti, elle l’avait su, elle l’avait pris dans ses bras en riant. Plus tard, lorsqu’elle s’était assise sur ce siège, son trône de plaisir, comme elle l’avait appelé plus tard, elle avait à nouveau pris ses mains et les avait guidées sur son corps, et bientôt ils étaient partis seuls en randonnée, explorant et caressant le corps tendre, la peau douce, et elle avait montré à ses mains le chemin vers son plaisir, comment il pouvait lui donner du plaisir avec ses longs doigts, le soleil avait illuminé son visage lorsqu’elle avait levé les jambes et introduit son membre en elle. D’abord doucement, puis plus fortement, il l’avait pénétrée, avait caressé sa poitrine, entouré son cou, tenu ses joues dans sa main, jusqu’à ce qu’elle détache ses bras de l’arbre et l’attire vers elle, attiré en elle, ses lèvres pressées contre les siennes, sa langue cherchant la sienne, ses mains crispées sur ses fesses, en donnant le rythme, plus vite, plus profondément, et il l’avait tenue par le dos, profondément par le dos, par les fesses, jusqu’à ce qu’elle flotte, accrochée à lui, assise sur lui, et en tressaillant ils s’étaient abandonnés, à leur apogée, à leur premier apogée commun, ils étaient tombés en arrière et avaient roulé dans l’herbe, étroitement enlacés. Ses mains voulaient retenir ce souvenir, il les a posées sur sa poitrine pour descendre lentement sur son ventre, jusqu’à descendre sur ses cuisses et remonter à l’intérieur, en tenant ses testicules dans sa main, pour finalement atteindre la tige en érection, la presser à deux mains et glisser plusieurs fois de haut en bas.
Le mouvement l’excitait et le calmait, il se relâchait à nouveau, l’aube se levait, bientôt les premiers rayons du soleil allaient saisir la clairière.
Lentement, il revint au centre de la clairière, à sa place, et s’allongea à nouveau dans l’herbe. Il regarda attentivement le ciel, d’un bleu encore pâle, avec une légère teinte rougeâtre à l’endroit où le soleil allait bientôt se lever. Il resta longtemps là, les mains sur son sexe, maintenant l’excitation mais ne l’augmentant pas, le regard fixé sur les feuilles des hêtres qui se détachaient de plus en plus nettement sur le ciel matinal.
Et puis, lorsque les feuilles, loin au-dessus, accueillirent les premiers rayons du soleil, les faisant redescendre sous forme d’or rougeâtre et brillant tout comme ses cheveux, il sut qu’elle était avec lui, qu’elle l’observait, qu’elle se délectait du plaisir qu’il se préparait en pensant à elle. Le mouvement de sa main devint plus violent, plus exigeant, et il autorisa sa main libre à entourer le gland, à caresser les zones sensibles en les humectant de salive, tandis que la main appuyait plus fort sur la hampe, que le flux et le reflux s’accéléraient, que ses hanches absorbaient le mouvement. Et lorsque le soleil commença à caresser sa peau, à la réchauffer, c’est alors qu’il prononça le premier mot de cette nuit, qu’il prononça son nom, encore et encore, de plus en plus fort, en rythme avec sa main, jusqu’à ce qu’il se déverse en une fontaine tressautante qui reflétait la lumière du matin, en gouttes individuelles qui s’étalaient sur son ventre, alors elle était avec lui, alors il cria son nom dans la solitude de la forêt matinale.
Bientôt, son corps s’apaisa, le sang coula plus lentement dans ses veines. Satisfait, il s’assit et répandit l’humidité sur son corps en faisant de légers mouvements circulaires.
Elle aurait étalé ce liquide avec sa langue, lui aurait offert une goutte sur ses lèvres. Il ouvrit le sac à dos à ses côtés, en sortit la petite bouteille de champagne et l’ouvrit. Il voulait trinquer avec elle, qui était en pensée avec lui, il voulait trinquer à son anniversaire d’aujourd’hui, ses 80 ans, trinquer avec elle qui était partie il y a plus de 25 ans, bien trop tôt, intacte dans son courage et sa joie de vivre, dans son bras elle l’avait quitté avec un sourire sur ses lèvres. Aujourd’hui, il allait commencer une nouvelle vie, avec elle, il savait qu’elle ne le quitterait jamais, il l’emmenait avec lui dans sa nouvelle patrie, une patrie où l’on prendrait soin de lui un jour.
Il était temps, son train partait dans deux heures. Il remit la bouteille vide dans son sac à dos, enfila ses vêtements. Une dernière fois, il regarda la rondeur de la clairière, de sa clairière. Son rire l’habitait.
L’avenir serait bon.

























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