Franck : Salut et merci d’avoir accepté cette interview. J’suis vraiment content qu’on puisse échanger aujourd’hui. Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter un peu et nous dire comment tu en es arrivée à faire ce métier ?
Ancienne prostituée : Salut Franck, bah merci à toi pour l’invitation ! Alors, pour me présenter rapidement, j’ai 33 ans, et j’ai bossé dans la prostitution pendant environ 10 ans. J’ai commencé à 18 ans, un peu par nécessité, je vais pas mentir. C’est pas un boulot qu’on choisit forcément, mais parfois, tu fais avec ce que la vie te donne, tu vois… C’est un peu le genre de choix que tu fais quand t’as pas trop d’alternatives. Mais, bon, avec le temps, t’apprends à t’y faire, et ça devient presque une routine, jusqu’au moment où tu te dis que ça suffit, faut passer à autre chose.
Franck : Je comprends. C’est jamais facile de parler de ces choses-là, je te remercie pour ton honnêteté. Tu dis que t’as commencé jeune, comment tu te sentais au début ? C’était facile ou t’as dû t’adapter ?
Ancienne prostituée : Ah, au début, c’était super compliqué. T’as l’impression de te perdre un peu, tu vois. Y’a une pression de dingue, et t’es pas vraiment préparée à tout ça. T’as l’impression de faire quelque chose de mal, mais bon… quand tu n’as pas trop de solutions, tu finis par accepter. T’as des moments où tu te dis que t’es vraiment dans une galère, que tu peux pas t’en sortir autrement. Et puis, petit à petit, tu t’habitues à l’idée. Je vais pas te mentir, t’as des hauts et des bas, surtout au début. Mais, au fil des années, t’apprends à jongler avec, à maîtriser ton environnement, et ça devient presque normal. Comme une sorte de seconde nature.
Franck : C’est vraiment un regard assez différent de ce qu’on entend souvent. Je pense que la majorité des gens imagine pas la pression mentale derrière tout ça. Et du coup, avec le temps, comment tu t’es adaptée, ou même peut-être protégée émotionnellement ?
Ancienne prostituée : Ouais, c’est vrai que le mental, ça te casse un peu à la longue. Mais tu finis par construire une sorte de carapace. Tu deviens un peu insensible à tout ça, au regard des autres, aux jugements. D’ailleurs, ça m’a pris des années avant de me détacher vraiment de tout ça. Tu vois, les premières années, tu subis un peu ce que les gens pensent de toi. Mais après, tu comprends que leur avis, c’est pas ça qui va changer ta vie. C’est pas facile, mais faut apprendre à vivre avec cette étiquette. Et parfois, tu fais des rencontres avec des gens qui te montrent qu’il y a pas que cette image de toi qui compte. T’as d’autres facettes que tu peux développer. C’est important de se rappeler que t’es pas qu’une “prostituée”, t’es un être humain avant tout.
Franck : Oui, c’est un peu comme si tu devais constamment te battre contre cette étiquette. C’est fascinant, en fait, comment tu as appris à prendre de la distance. Mais, dis-moi, au-delà de tout ça, y’a-t-il des moments où tu t’es sentie puissante ou où tu as trouvé de la satisfaction dans ce boulot ?
Ancienne prostituée : Bah, clairement. Et ça, c’est quelque chose que beaucoup de gens comprennent pas. C’est vraiment paradoxal, mais t’as une forme de pouvoir dans ce métier, c’est fou. Parce qu’au final, c’est toi qui choisis, t’es celle qui décide. Tu décides avec qui tu veux être, jusqu’où tu vas aller, et comment tu veux gérer ton corps. C’est une forme de liberté, même si c’est pas celle qu’on imagine au début. Bien sûr, y’a des situations où tu te sens vulnérable, mais à d’autres moments, t’as le contrôle total. T’as une emprise sur ton univers, et ça te donne une forme de confiance, tu vois ?
Franck : C’est vraiment une vision différente de ce qu’on imagine. Mais, malgré tout, y a-t-il des aspects qui te pèsent encore aujourd’hui, ou des regrets que tu pourrais avoir ?
Ancienne prostituée : Regrets ? Hmm… pas vraiment. Ce que je regrette, par contre, c’est de ne pas avoir pris plus tôt soin de moi, tu vois. Surtout de mon mental, de mes émotions. T’as tendance à les perdre dans ce boulot, t’as tellement de mécanismes de défense que tu finis par oublier de t’écouter, de te reconnecter avec toi-même. Ce que je regrette, c’est de m’être coupée de certaines de mes émotions à un moment donné. Mais sinon, je vois tout ça comme une expérience, une phase de ma vie qui m’a apporté des trucs, m’a forgée, m’a appris des choses que j’aurais jamais imaginées. Et franchement, ça m’a aussi permis de rencontrer des gens intéressants, d’avoir des discussions profondes.
Franck : Ça montre vraiment que c’est un parcours qui forge, comme tu dis. Et, si tu devais donner un conseil à une personne qui pourrait être dans la même situation que toi, un conseil vraiment humain et sincère, ce serait quoi ?
Ancienne prostituée : Honnêtement, je lui dirais de jamais se perdre dans ce qu’elle fait. De toujours garder un peu d’elle-même, de pas s’oublier. Parce que tu vois, tout le monde dans ce milieu a ses raisons, ses raisons de faire ce qu’il fait. Mais faut pas oublier que ça ne te définit pas. T’es pas ta situation, t’es pas ton boulot, tu es bien plus que ça. Et, si tu sens que t’es prête à changer, fais-le. Si tu veux t’en sortir, tu peux. Y’a toujours une porte de sortie, même quand tu penses que c’est impossible. Mais faut pas avoir peur de se réinventer. C’est la clé.
Franck : Merci vraiment pour ton témoignage, c’est super important d’entendre ça, surtout de ta part. Beaucoup de gens oublient que derrière chaque histoire, il y a une personne, et pas juste une étiquette.
Ancienne prostituée : Merci à toi Franck, vraiment. C’est pas facile de parler de tout ça, mais j’espère que ça pourra aider d’autres personnes. Et surtout, qu’elles sachent qu’il n’est jamais trop tard pour changer de direction. Jamais.
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